Les Mondes d'Orichalque
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 Uchesi le trompettiste

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Karashi
Admin
Karashi


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Uchesi le trompettiste  Empty
MessageSujet: Uchesi le trompettiste    Uchesi le trompettiste  I_icon_minitimeSam 5 Juil - 22:00

La pluie battait lourdement sur les toits d'ardoise de la ville, frappant les tuiles avec toute la force et la volonté qu'elles mettaient pour s'y écraser. Les rues étaient désertes mais les bâtisses bruyantes, les tavernes bondées de voyageurs qui s'y abritaient faisait frapper l'écho de leur voix sur tous les murs de la ville, se muant en un chœur anarchique envoyant ses ondes despotiques envahir les tempes des plus silencieux. Une femme, l'air grave, et deux enfants attendaient à la porte du médecin, les enfants incompréhensifs regardaient les gouttes glisser le long des vitres au rythme qu'elles voulaient bien adopter, le rythme qui faisait perdre aux enfants tous leurs paris puérils. Se retournant à peine lorsque le médecin pénétra dans la pièce les manches de sa chemise retroussées et le sang qui brillait à la surface de ses bras ils ne comprirent pas immédiatement qu'à présent leur mère n'attendrait plus son retour le soir pour dresser la table du souper.

A cette heure-ci l'auberge n'était pas tellement pleine, les hommes n'étant pas tous rentrés de leur journée de travail, les gens qui étaient là étaient pour la plus part des mendiants, des voyageurs ou des ouvriers en congés, on pouvait aussi croiser un homme ivre auquel une femme avait dit d'aller voir ailleurs si elle y était il y a de ça huit ans. Un homme grand et mince à la couleur de peau sombre mais au teint légèrement gris-vert qu'on ne pouvait assimiler à celui d'un homme en pleine santé  fit son entrée dans l'établissement le pas dansant et un faciès de joie que l'homme semblait vouloir étaler dans toute la pièce. Il repéra une place assise au comptoir à côté d'un autre homme bien plus grave qui avait l'air d'avoir bien voyagé pour arriver jusqu'en ville, il s'y assit en adressant un large sourire au tenancier et au voyageur. « Bonjour ! ».

La pluie de la veille s'était calmée ne laissant pour trace que des flaques épaisses qui jonchaient les routes, s'éclatant en une marée boueuse et éclaboussant le gravier presque sec autour d'elles au passage du moindre attelage. La petite famille ainsi que des amis arrivèrent au lieu dit à l'heure dite. Là se trouvait un fossé où dormait paisiblement le corps inanimé de leur ami, de leur époux, ou de leur père. Ce soir là personne ne ria et personne n'aurait pu même s'il avait essayé, l'atmosphère était lourde et l'ange du désespoir faisait peser sur les épaules de chacun le poids de la mélancolie. Deux enfants jouaient et taillaient des formes imprécises sur l'écorce des arbres alentours. Eux non plus, ils ne riaient pas.

« HAHAHAHAHA ! Tu me fais bien rire toi ! Tu veux que je ta paie un autre verre ? C'est moi qui offre ! » dit le tenancier en frappant bruyamment son comptoir de la paume de sa main.
« Ho oui mais de l'eau encore une fois dans ce cas, répondit l'échalat qui ne restait pas en place sur sa chaise et bougeait sans cesse comme pour s'en décoller.
-Monsieur a peur de boire ?
-A vrai dire c'est plus compliqué que ça. Répondit l'homme avec un sourire amical.
-Allez crache nous donc un peu ton nom mon gars que je sache à qui j'ai affaire !
-Ho mon nom... je ne m'en souviens pas vraiment mais de là où je viens les gens m'appellent Uchesi 
-Un bien drôle de nom. » fit alors remarquer le voyageur à sa gauche sans enthousiasme particulier.
Redressant son haut de forme Uchesi remarqua des fleurs fanées sur le bord d'une fenêtre et son expression se changea en un regard plus triste, tristesse qui ne semblait pas perceptible par les gens autour de lui.
« Attendez une minute. ». Plongeant sa main dans une besace presque vide il en sortit son seul contenu : un instrument de cuivre brillant et à la forme étrange.
« -Qu'est-ce donc que ça ? » s'interrogea le tavernier avec un recul méfiant.
« -J'appelle ça une trompette ! » lui répondit Uchesi avec un large sourire.

L'hiver fut froid, la terre comme enduite de neige craquelait sous le givre glacial, les arbres revêtant alors leur froid manteau blanc dominaient l'humble tombe tels les gardiens d'un sanctuaire inviolable. Là, au pied d'une petite stèle de pierre dressée au nom du défunt, une fleur perça la couche de neige doucement, écartant le glaçage nacrée du  sol elle fit tête la première vers le grand jour dont la lumière donna à ses pétales l'aspect d'un suaire éthéré. La fin de l'hiver approchait et donnait naissance au gargantua.

Uchesi se leva de sa chaise en reprenant un pas dansant, il inspira doucement puis porta son instrument à ses lèvres. Lorsqu'il commença à en jouer le silence se fit dans la salle, on n'entendait plus que le rythme entraînant que l'instrument clamait dans toute la pièce faisant vibrer les tympans de tous ceux qui s'y trouvaient. Tout le monde le regardait avec incompréhension, certains s'échangèrent des regards circonspects et d'autres commençaient à suivre le rythme en tapant du pied si bien qu'ils finirent par se lever et suivre la cadence en tapant des mains.  La salle sembla s'éveiller beaucoup se levèrent pour danser d'autres chantèrent ce rythme qui leur était inconnu, le barman riait à gorge déployé, comme beaucoup d'ailleurs, la liesse était générale, seul le voyageur restait assit à le regarder d'un air étonné pendant que tout le monde autour s'amusaient bruyamment.  Sur le bord d'une fenêtre sans que personne ne le remarqua jamais, des fleurs venaient de retrouver pétales et couleurs.

Le gargantua, ce monstre si imposant qu'à sa naissance il déchaînait cent jours d'un orage arcanique terrible. Ravageant toute l'île les éclairs frappaient le sol avec fracas, détruisant les chaumière, brûlant les champs et forêts, au bout de plusieurs semaines ils étaient comme les barreaux d'une prison ouverte dont l’échappatoire ne pouvait qu'être funeste. Dans la clairière d'une forêt que la foudre n'épargnait pas se dressait encore la stèle d'une modeste tombe, une fleur seule tenait bon face au zephyr hurlant. Un éclair perça soudain les cieux comme une épée de Damoclès et frappa ses frêles pétales avec une puissance féroce. La clairière frémit sous le choc, les arbres alentours tremblèrent, et le ciel s'ébranla. Le fleur était toujours là, ses pétales d'un blanc immaculé s'illuminaient, sous l'invincible torrent de foudre, de pluie et de vents, elle brillait de mille feux.

La soirée dura longtemps, jamais l'auberge n'avait été aussi animée.A l'extérieur dansaient les ombres  joyeuses des convives qui hurlaient à tue tête. On entendait de la rue le bruit assourdi raisonnant contre les volets clos des maisons, se démarquant du brouhaha ambiant le son grave et mélodieux d'un instrument que personne ne pouvait reconnaître s'élevait encore au delà, la joie montait comme une flamme crépitante vers les cieux.
Une fois tout le monde parti la salle restait vide et les verres que lavait le tenancier semblaient alors bien plus bruyant que tous les cris qui emplissaient la pièce il y a peu. Uchesi se tortillait encore sur sa chaise aux côté du voyageur qui n'avait pas quitté sa place depuis le début de la soirée il regardait   l'étrange énergumène à sa droite.
« -Vous êtes un bien étrange personnage, qui êtes-vous vraiment ?
-Ho qui je fut je l'ai oublié, qui je suis aujourd'hui ? Je suis Uchesi, rien de plus qu'un simple musicien qui voyage pour partager ses joies au monde » Il largua une nouvelle fois son sourire qui deviendrait presque agaçant si on devait le supporter toute une journée.
-Et ce chapeau ridicule il rime à quoi qu'est-ce que vous cachez en dessous ?
-Ho rien c'est juste un chapeau, peu conventionnel vous me direz mais un chapeau... »
Derrière le comptoir l'aubergiste restait indifférent il nettoyait sa vaisselle machinalement sans conviction particulière, seul le son des chopes posées les unes après les autres sous le comptoir rythmait l'ambiance calme des lieux.
Le voyageur fixait son étrange voisin la curiosité piquée au vif il jeta un œil sur son haut chapeau et faisant fi de l'apparence ridicule qu'il lui trouvait il réfléchi à ce qui pouvait s'y cacher, il était convaincu qu'il y avait quelque chose.
« Ma foi si je veux en avoir le cœur net. »
Ne laissant pas à Uchesi le temps de réagir il saisit son chapeau et le lui ôta, ce-dernier n'eut pas le temps de le récupérer ni de protester. L'aubergiste arrêta son geste mécanique d’essuyage et leva son regard vers le haut du crâne du trompettiste, le voyageur à son côté fixait le même point.
Uchesi eu un sourire gêné, trônant sur le haut de son crâne, dans un éclat jaunit que lui procurait la lampe à huile qui éclairait la pièce, se trouvait un magnifique perce-neige.
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